Black M ne fera pas Verdun

 

Beaucoup de bruit pour rien :

 

 

En marge de la commémoration du centenaire de la bataille de Verdun, prévue le 29 mai, un officiel parisien avait proposé en avril au maire Samuel Hazard d'organiser (pour les jeunes Français et Allemands convoqués par M. Hollande et Mme Merkel) un concert dans la soirée du 29. Le maire et l'agglomération du Grand Verdun avaient approuvé l'idée. Le chanteur désigné fut le rappeur Black M.

Samuel Hazard ne connaissait pas Black M ; l'officiel parisien non plus, semble-t-il. Simplement ''il fallait du rap puisqu'il y avait des jeunes...'' On n'allait tout de même pas leur demander de s'intéresser aux 650 000 morts de Verdun. 

Ensuite ça s'est envenimé. Quelques curieux ont consulté les raps de Black M. Ils sont tombés sur un texte qualifiant la France de ''pays de koufar''. Ce mot est le pluriel de kafir, qui veut dire quelque chose comme ''incroyant''. La majorité des Français n'étant pas seulement non-musulmans mais non-croyants au sens large, le mot du rappeur était assez exact ; au moins manifestait-il un regrettable manque de solidarité envers ses compatriotes. (Black M, alias Alpha Diallo, est né à Paris en 1984).

Puis on a découvert un rap du groupe Sexion d'assaut (dont Black M faisait partie en 2010),  où les homosexuels étaient voués à la mort violente : ''Il est grand temps que les pédés périssent / coupe-leur le pénis / laisse-les morts / retrouvés sur le périphérique...''

Et l'on s'est souvenu qu'en 2014, Black M avait repris à son compte un rap de Doc Gynéco qui parlait de ''youpins'' ; la chose avait fait scandale à Paris et à Bruxelles.

L'opportunité d'inviter le rappeur apparaissait de moins en moins évidente à la mission du Centenaire.

Puis l'affaire s'est répandue sur Twitter et Facebook. Les partis de droite s'en sont mêlés. Le ton est monté. Le maire a été bombardé de messages de plus en plus véhéments. Affolé, le gouvernement a fait machine arrière : le secrétaire d'Etat aux Anciens combattants, Jean-Marc Todeschini, s'st empressé d'affirmer : « Ce n'est ni l'Etat, ni le gouvernement, ni le président de la République, qui ont choisi tel ou tel chanteur... » Furieux de ce lâchage, le maire  (socialiste) de Verdun a rappelé que l'idée avait été communiquée ''par l'Etat'' à la municipalité et au département, etc. Un de ces cafouillages dont l'exécutif est familier.

Quand un petit-fils de poilu a porté plainte en justice et fait proclamer par son avocat que la venue de Black M à Verdun serait ''attentatoire à l'ordre public'', le gouvernement a pris peur et laissé le maire annuler le concert.

Cette reculade opérée, les officiels retournent maintenant leur veste. Le maire se déclare ''cible de l'extrême droite''. M. Todeschini (bien qu'il ait lâché le maire) tonne devant les députés que la campagne menée contre Black M est ''un pas vers le fascisme''. Mme Azoulay, faisant une apparition hyper-glamour au Festival de Cannes, déclare que ''des voix déchaînées ont obtenu l'annulation d'un concert au nom d'un ordre moral nauséabond et décomplexé''. Mme Taubira sort de sa retraite pour fulminer l'un de ses textes les plus champignaciens, où il est question ''d'idées navigant sans cours d'eau'', de ''préjugés qui serpentent'' et de ''rhapsodie où résonne la confiance en l'avenir''.

Parvenus à ce point, nul ne sait plus où l'on en est ni de quoi on parle : mais on pousse des hurlements de guerre civile.

Et c'est à propos de presque rien. Si quelqu'un avait eu le bon sens – au cours des réunions du mois d'avril – d'objecter qu'il était anti-pédagogique d'amener des ados jusqu'à Verdun pour leur faire entendre ce qu'ils entendent déjà partout ailleurs, cette bouffonnerie n'aurait pas eu lieu.

Mais personne n'a eu ce bon sens : le vide mental de la classe politique ne connaît pas de limites.